Je reviens avec un article un peu spécial et très personnel aujourd’hui. J’espère qu’il te permettra de mieux comprendre mes choix et pourquoi pas te “pauser” des questions aussi.
Un petit historique des faits
J’ai commencé à travailler dans le domaine de l’ergonomie digitale en 2009. Pendant 7 ans, j’ai évolué au sein de plusieurs entreprises en tant que consultante, le design s’est développé au fur et à mesure en France et je suis devenue “UX designer”. Tout se passait bien jusqu’au jour où je me suis rendue compte que le salariat n’était peut-être pas fait pour moi. Je me sentais enfermée dans un rôle trop restreint et j’avais des rêves de faire des millions de choses différentes dans mon job. J’ai décidé de me lancer en tant que freelance (je ne suis pas super-héroïne, une psy m’a aidée à faire sauter mes croyances limitantes). Il s’est avéré que cette décision est tombée en même temps qu’une opportunité de déménager et d’aller dans une région où je ne connaissais personne (de Paris à Saint-Nazaire). Challenge accepted! 😝
Au début de mon activité de freelance en 2016, je ne me pose pas trop de questions. Je fais le même job que quand j’étais salariée sauf que je le fais à ma sauce. Cela me convient un ou deux ans puis je me rend compte que je peux changer aussi mes offres et ma façon de travailler. La partie maquettage et proto de l’activité d’UX designer me plaît moins et je décide d’arrêter de la proposer pour me concentrer plus sur la partie recherche utilisateurs et ateliers. J’avance encore comme ça un ou deux ans puis je me rends compte que la partie ateliers et intelligence collective me plaît d’avantage et je commence à utiliser des jeux. En 2019, Manue Marévéry m’invite à venir à l’UX Camp FLUPA de Montpellier et me propose de faire un atelier ensemble sur les jeux (j’hallucinais ! Une personne que je trouvais brillante, qui faisait des conférences de fou au débit de la “mitraillette” comme elle dit, me contacte. Pendant plusieurs semaines, je me disais qu’elle m’avait confondue avec une autre personne tellement je ne croyais pas que j’avais des choses intéressantes à dire en conférence/atelier). Trop bien, j’accepte et on passe un super moment ! J’avoue qu’à partir de ce moment je me suis sentie plus légitime de faire ça et j’ai développé cette activité de plus en plus. En effet, ma mission depuis le début de mon entrée dans le monde pro est d’améliorer les conditions de travail des personnes donc si en plus je peux faire jouer les gens au travail, et bien allons-y !
J’avance encore comme ça pendant 2 ans, ça m’amuse beaucoup et je me sens utile. Je donne de plus en plus de formations en UX design et facilitation. Depuis le COVID, les demandes de formations explosent car les personnes sont en quête de métier qui ont plus de sens. Tout roule. J’anime des formations à l’Ecole des Gobelins, alfie formation et au Laptop (la classe ces 3 références ! je suis trop fière de moi et ça me permet d’avoir un peu moins le syndrome de l’impostrice). Je file des coups de pouces aux designers pendant le COVID avec Marie Glandus et Jérémie Cohen. Je joue avec Antoine Blanchard lors de nos Ludikoboulo (journées dédiées aux jeux au travail). Les problématiques d’inégalités sociales qui m’on toujours révoltées dans le plan perso viennent de plus en plus animer mon activité professionnelle (longues discussions avec Gladys Diandoki, Marion Dragée, Luz Delgado, Zalihata Ahamada, …). Les échanges avec mon amie Alexia Jacques-Casanova avec qui je partage mon bureau et qui oeuvre aussi pour ces problématiques dans le pro et le perso et qui m’inspirent. Je fais plein de rencontres et j’ai beaucoup de discussions passionnantes, je suis nourrie et j’apprécie vraiment mon travail et les personnes que je rencontre (coucou toi 👋🏻 ! si on a échangé ensemble, merci de m’avoir apporté ton regard et si on ne l’a pas encore fait, ce sera peut-être pour bientôt ?).
Retournement et changement de cap
En 2022, je vais aux UX days et je vois en keynote d’ouverture JM. Jancovici qui nous parle de l’impact de notre mode de vie et de la conception des services des designers sur notre planète et sur les humains. Ça fait un moment que je me pose toutes ces questions et que je me renseigne sur les questions d’écologie mais ce qui se passe à ce moment précis va me marquer plus profondément. Déjà, c’est pas la même chose de voir Jancovici en vrai sur scène que sur une vidéo YouTube mais en plus de ça j’ai un petit être qui est en train de vivre en moi : je suis enceinte ! Et là durant toute la conférence, je me demande si j’ai pas fait la plus grosse conne*** de ma vie en faisant 3 ans de PMA pour arriver à avoir un petit bébé, que va-t-il se passer pour les enfants ? (quand j’écris ces lignes j’ai encore les larmes aux yeux). J’ai très peur et je me sens impuissante face à l’ampleur des dégâts.
Heureusement, les planètes s’alignent car à peu près au même moment, Céline Laisné me contacte pour me dire qu’elle aimerait me compter parmi un collectif pour créer un jeu autour de la RSE (avec des nantais et une rennaise). Franchement, à l’époque je ne savais pas bien ce qu’était la RSE mais j’avais l’impression que c’était un truc qui était là pour changer les choses et faire du bien dans les entreprises. J’accepte volontiers car j’ai confiance en Céline et puis créer un jeu ça me parle aussi ! Je me retrouve avec Céline, Antony Collong, Régis Le Diouris, Lucie Debroise-Ollivier, Gwendoline Cartier et Sébastien Bolle et là au delà de vouloir faire le bien autour de nous, je fais des rencontres humaines superbes. Aujourd’hui encore notre petit collectif se retrouve pour essayer de faire changer les choses, on se soutient pour avancer ensemble (même si l’idée du jeu est restée derrière nous). C’est à ce moment là que je me dis qu’il faut aussi que je m’active de ce côté là côté pro. C’est bien beau d’aller au boulot à vélo, de réduire sa consommation de viande et d’acheter des objets d’occasion mais il faut que j’aille un cran plus loin !
Je décide d’agir !
Ma grossesse se passe bien, l’accouchement beaucoup moins mais notre fils Aloïs naît en novembre 2022. Ce petit être si fragile me chamboule beaucoup plus que ce que j’aurais pu imaginer. Je me sens perdue, démunie, je pleure beaucoup, je ne dors presque pas. Heureusement, je sais que je peux compter sur son papa, mon meilleur ami et partenaire de vie depuis 20 ans ❤️ ! La reprise du travail en mars 2023 me fait du bien car j’ai besoin de voir d’autres adultes et en même temps je suis épuisée et perdue. Je me bouge tant que je peux pour retrouver des contrats. Avoir été arrêtée 6 mois n’a pas fait de bien à mon business. Je ne rentre que 2 contrats de mars à septembre, je suis inquiète puis la fin d’année 2023 se déroule plutôt bien, comme avant, je suis rassurée.
Comme j’ai décidé d’agir, je m’investis dans la fresque du climat en me formant (à vrai dire, j’ai pas fait grand chose car je trouve cette fresque super technique et difficile à animer, avec le peu d’énergie que j’ai, – mon fils ne fait toujours pas ses nuits à 17 mois – j’ai du mal à m’investir plus dans des activités qui me demandent des efforts cognitifs importants), je participe à plein de fresque pour me former, je fais plein de rencontres géniales et je rejoins un autre collectif plus local. C’est un collectif qui rassemble des fresqueurs et fresqueuses sur la presqu’île de Saint-Nazaire, j’ai nommé : Amandine Beauné, Justine Genois, Antoine Musseau, Clémence Bourlès, Dorothée Boisseau, Mathilde Couturier, Morgane Jaunay et Pierre Guéno. Ces rencontres se sont faites avant la création du collectif au Jardin où j’ai mon bureau et où plein de personnes formidables partagent ce lieu enrichissant. Nous nous apportons soutient et aimerions sensibiliser un maximum de personnes à travers des fresques et ateliers autour de l’égalité sociale et du respect de l’environnement (pour ma part, je propose l’atelier Mille Pas qui parle de l’égalité F/H au travail).
Comme je te l’expliquais, je me sentais vraiment très chamboulée depuis cette grossesse et cela faisait déjà plusieurs années (même avant) que je sentais que j’étais de moins en moins alignée avec le métier de designer dans notre contexte économique actuel. Pourquoi créer une énième application mobile qui va polluer ? Pourquoi exclure des personnes dans nos processus de conception ? Pourquoi vouloir aller vite et travailler comme des acharné·es ? Bref, je cherchais depuis un moment une formation qui pourrait m’aider à changer les choses. Je m’étais d’abord inscrite à une formation en conduite du changement qui a été annulée pour cause COVID (au final c’est une bonne chose car avec le recul ce n’est pas ce qu’il me fallait). En 2021, Mathias Arlot avec qui je co-animais du mentorat pour Le Laptop m’a dit qu’il faisait une formation formidable qui changeait sa vie : la LabSession de l’Institut des Futurs souhaitables. J’avais regardé et je me disais que ça avait l’air chouette mais ça me paraissait un investissement financier important et puis bon on verrait bien plus tard, je n’étais pas prête. Cette idée me trottait dans la tête depuis… Et puis quand je suis rentrée de congé maternité, je savais qu’il fallait absolument que je me bouge et que j’y arriverais pas toute seule. J’ai mobilisé tout mon CPF (jamais touché depuis 15 ans) ce qui m’a permis de me payer la moitié de cette formation qui me paraissait être la bonne : elle me promettait plein de découvertes avec des expert·es qui allaient me faire grandir. Mais surtout, je sentais que j’allais y trouver autre chose que dans des formations “classiques” : des rencontres humaines, une communauté, une approche pédagogique originale et une façon de voir le monde différemment. Et bien, je n’avais pas tout à fait tort !
Ralentir c’est maintenant !
J’ai réalisé la formation de l’IFs de novembre 2023 à avril 2024. J’étais embarquée dans une promo de 28 personnes aux profils variés qui m’ont fait grandir, j’ai eu accès à des personnes ayant des expertises extrêmement pointues qui m’ont enrichie, j’ai changé mon regard sur mes besoins et le monde. Bref, c’était aligné avec mes attentes, mes projets et cela m’a permis d’entrevoir des possibilités d’action pour la suite. J’ai notamment retenu 2 axes qui me paraissent importants dans mon avenir pro et que j’ai envie de transmettre aux autres designers :
1/ L’utopie et le besoin de créer des récits positifs qui font rêver et qui nous donnent envie de changer
2/ Le vivant à réintroduire dans nos vies et dans notre contexte professionnel
Nous sommes actuellement en avril 2024 et mon activité pro n’est pas au meilleur de sa forme. Depuis janvier, j’ai rentré que très peu de contrats. Je n’arrive pas à identifier pourquoi : le contexte ? ma visibilité et ma communication ? mes offres ? Je suis perdue. Chamboulée par cette formation et ma nouvelle vie de mère (peut-être la crise des 40 ans pour accentuer les clichés 😝), je sens que j’ai besoin de temps. En même temps, j’ai besoin de vivre aussi. Je continue mon activité professionnelle mais j’ai besoin de faire une pause sur ma communication car cela me prend plusieurs heures par semaine. Je sais que c’est du temps dont j’ai besoin pour constituer mes nouvelles offres et mon nouveau positionnement. J’ai décidé d’investir les quelques deniers qu’il me reste dans un coaching avec Virginie Dréan (qui est aussi résidente au Jardin avec qui nous avons de belles discussions avec Claire Batardière) qui va m’aider à savoir où je vais et ce que j’ai envie de développer. Faire le ménage et faire du clair dans tout ça.
Ce que je sais c’est que j’ai toujours envie d’améliorer les choses. J’ai l’impression que le métier de designer a vraiment besoin d’évoluer vers quelque chose de plus responsable. Pour moi, les designers doivent être moteurs du changement, ce sont elleux qui créent les services de demain ! J’aimerais pouvoir leur permettre de prendre conscience, se poser les bonnes questions, avoir des outils qui permettent de changer petit à petit la façon dont nous avons de concevoir le monde (si cela te parle, on peut échanger pour en discuter, contacte-moi carole.laimay@gmail.com).
Comme tu peux le voir, ce sont mes rencontres, mes envies, mes expériences de vie qui ont façonné mon identité professionnelle (et encore je n’ai pas trop abordé le côté perso). J’ai envie de continuer à enrichir mes rencontres présentes et futures et pour continuer sur un socle solide et de bonnes bases, j’ai besoin de “pauser” les choses. J’ai donc décidé de mettre en pause la production de contenus tels que les “vendredis jeux” que je fais sur LinkedIn, les articles, les newsletters, les dernières trouvailles… Je continue de poster mais le strict minimum pour pouvoir continuer à vivre de mon activité. Cette pause va me permettre d’identifier ce que je veux réellement faire et de communiquer ensuite sur des sujets en alignement complet avec mon activité. Je te retrouve dans quelques temps avec des contenus qui vont secouer ! 😘